Tezano, de son ancien nom, existait bien avant l’occupation romaine : regroupé comme il se doit d’abord autour de sources dites « Fontaines », le village est peu à peu descendu des collines vers le Malgoirès : la plaine de la Braune et de ses afluents : l’Esquielle et l’Auriol. Malgoirès dont le nom est une déformation de « Médio Gozes » signifie : « milieu des Goths ». Après les Gallo-romains, il faut attendre 1196 pour voir apparaître le nom d’un prieuré dédié à Saint-Geniès* : le patron de la paroisse.
Au Moyen-Âge, le pouvoir féodal se partage entre les religieux de la puissante abbaye de Saint-Gilles, appartenant aux Comtes de Toulouse qui rançonnent et ravagent allègrement le village et le Baron de Montpezat, vassal du seigneur d’Anduze. A la fin du XIIIème siècle, le pouvoir royal s’est imposé avec ses Taxes et les pillages auxquels s’ajoutent parfois des guerres (celle de « 100 ans » notamment) : tout pour réduire une population fragile à la misère. Les Tuchins** de la compagnie de Petit Meschin pillent le village le 23 avril 1382. Malgré la fin de la guerre (1453), la pression fiscale royale se maintient. On saisit les biens de ceux qui ne peuvent payer la taille, tandis que de son côté, le Prieur de Saint-Geniès prélève la dîme (1/10ème des récoltes), l’impôt sur le sel est exorbitant. Les paysans n’en peuvent plus et se révoltent.
L’administration locale est assurée par 3 consuls au mandat annuel, issus par cooptation des familles aisées du village, leur rôle est de lever la taille pour le Roi, de donner en adjudication le four à un fournier***, de désigner le pâtre qui mènera les bêtes sur les terres en jachère.
Village de plaine, Saint-Geniès rassemble sa population à l’abri des remparts de son château et de fossés jusqu’au XVIème siècle et vit alors en quasi autarcie. La laine est travaillée par des cardeurs et le chanvre est traité dans les eaux de l’Esquielle qui font aussi tourner les meules de plusieurs moulins (moulins à grain ou à huile). Les chênes rouvres sont utilisés pour les glands, consommés tant par les bêtes que par les hommes. Les champs de céréales et de plantes textiles entourent le village. Les jardins fournissent les légumes. L’élevage des animaux de basse-cour, de porcs, de chèvres et de moutons ainsi que des bêtes de trait de selle complètent les activités agricoles.
Mais le grand drame du XVIème siècle dans le village comme alentour : les guerres de religion ! La vicomtesse d’Uzès, grande amie de Marguerite de Navarre, soeur du roi et amie des Réformés se convertit au calvinisme en 1546. Très vite, la majorité des habitants adoptent la nouvelle religion. Saint-Geniès , entre Nîmes et Cévennes, deux bastion du protestantisme, devient, avec son Temple, l’enjeu de luttes armées. Certains fuient pour Genève. En février 1575, les catholiques s’emparent du village qui est repris par les calvinistes. A l’époque, les maisons sont reliées entre elles par des arceaux. Après une courte période de paix, le 12 mars 1586, la garnison protestante du village doit capituler devant les troupes catholiques de Danville, gouverneur du Languedoc. Le gouverneur du village est pendu et le château incendié. L’édit de Nantes (1598) rétablit la paix dans la région jusqu’à la mort d’Henri IV (1610).
Les protestants sont majoritaires dans le village qui voudrait jouer le rôle d’une place de sûreté entre Nîmes, Uzès et les Cévennes. Au début du XVIIème siècle, une garnison protestante est entretenue dans le château par les protestants de Nîmes, Uzès et Montpellier.
Notre village est pris et repris régulièrement. La guerre et les pillages ramènent la misère dans les campagnes. Le 16 février 1628, le Conseil protestant de la province – voulant concentrer ses points de défense – initie le démantèlement de l’église et des fortifications du village afin d’empêcher les catholiques d’établir des places fortes en Gardonnenque. Mais en juillet 1628, les catholiques du duc de Montmorency s’emparent du village et y ravagent récoltes et habitations. 7 à 8000 fantassins et 500 cavaliers sont à la Calmette et à Saint-Geniès. La paix d’Alès, signée en juin 1629 favorise la communauté catholique
Sous Louis XIV, notre village compte 1320 habitants (dont 120 catholiques) : c’est autant qu’à Sommières qualifiée de petite ville. Les moulins à vent commencent à remplacer les moulins à eau. La population vit de l’agriculture ou de l’artisanat : on y trouve tous les corps de métiers. En 1685, la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV achève d’éradiquer le protestantisme. Le pasteur abjure en 1685. Les biens du consistoire protestant sont donnés à l’hôpital d’Uzès. Les nouveaux Convertis se montrent souvent de mauvais catholiques et nombre d’entre eux préfèrent l’exil en Suisse, en Allemagne ou en Hollande (16 en 1688 et 30 ensuite) ou prennent le maquis. Saint-Geniès devra verser 600 livres au Roi (c’est le village le plus taxé) pour assurer l’entretien des Dragons et autres troupes royales chargées de surveiller le pays. Les fuyars voient leurs biens confisqués et, capturés, sont envoyés aux galères. L’exaspération couve et éclate lors de la guerre des Camisards (1702-1704). Jean Cavalier organise la révolte en Gardonnenque et prend la tête d’une armée d’un millier Laporte, dit Roland, enfoncent les portes de Saint-Geniès, s’y installent puis se retirent dans la Vaunage où ils seront battus par les armées royales. Le 1er juin 1704, Cavalier s’entend avec le maréchal de Villars, à Saint-Geniès, sur la reddition des Camisards.
*: Greffier du tribunal d’Arles et martyr chrétien du début du IVème siècle
* *: Anciens « Jacques » révoltés contre le pouvoir royal et devenus mercenaires
***: Celui qui cuit le pain contre rétribution = le boulanger !